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Le conflit irakien "pourrait dégénérer en une guerre régionale"

lundi 26 mars 2007 - 06h:19

Zbigniew Brzezinski

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Les démocrates devaient se prononcer sur le financement de la guerre en Irak. Ils ont inclus dans le projet de loi un calendrier de retrait et une date limite : août 2008. Vous êtes allé au Congrès pour les inciter à voter ce texte. Pourquoi ?

La présidente du Congrès (Nancy Pelosi, démocrate) me l’avait demandé. Je leur ai donné trois raisons. D’abord, il est très important pour le Congrès de faire passer au président le message qu’une guerre qui n’est plus une guerre d’intérêt national, mais une guerre d’arrogance présidentielle, ne peut pas se prolonger indéfiniment.

Le deuxième point est que si l’on permet à la guerre de se prolonger indéfiniment, elle va probablement prendre de l’ampleur et pourrait même dégénérer, à la faveur de possibles incidents avec les Iraniens, en une guerre régionale plus large. L’Amérique pourrait être entraînée dans un conflit en Iran, en Irak, en Afghanistan et au Pakistan, au même moment.

Troisièmement, il est important de faire savoir au reste du monde que le Congrès des Etats-Unis ne soutiendra plus le recours unilatéral à la force à moins, bien sûr, qu’une menace imminente pèse sur la sécurité nationale. Il est important que tous les membres votent en faveur de ce texte, même ceux qui sont critiques et qui trouvent qu’il ne va pas assez loin ou, au contraire, qu’il va trop loin.

Vous n’étiez pas favorable à ce que le Congrès tente de couper les crédits pour la guerre ?

Je soutiens ce que Mme Pelosi a mis sur la table parce que c’est ce qui est sur la table. A ce stade, s’immiscer dans un débat interne sur le point de savoir s’il devrait y avoir des restrictions plus sévères ou moins de restrictions est voué à l’échec.

Condoleezza Rice retourne ce week-end au Proche-Orient. Est-ce que l’administration Bush a encore le temps de faire quoi que ce soit ?

Je ne suis pas si sûr qu’elle ait encore formulé une approche globale des problèmes. Certains de ses slogans ont été très maladroits. L’été dernier, elle a parlé des "douleurs de l’enfantement" d’un nouveau Moyen-Orient. Ce n’est pas tout à fait comme cela que je vois le bombardement de civils libanais par les Israéliens ou de civils israéliens par le Hezbollah. Récemment, elle a évoqué la définition d’un "horizon" (un horizon politique pour les Palestiniens). Elle a l’air d’ignorer le fait que l’horizon est une ligne imaginaire, qui s’éloigne quand on s’en approche...

Néanmoins, les événements évoluent dans le sens d’une pression accrue, y compris à l’intérieur des Etats-Unis, pour parvenir à une discussion régionale sérieuse sur la sécurité en Irak après le départ des Etats-Unis. Il y a aussi une prise de conscience croissante qu’une politique d’ostracisme à l’égard du Hamas et de punition collective de l’ensemble des Palestiniens est contre-productive. On s’aperçoit en outre que les opinions publiques israélienne et palestinienne commencent à être prêtes à un vrai compromis. Enfin, il y a peut-être la possibilité d’avoir un dialogue à plusieurs niveaux avec les Iraniens, sur l’Irak en particulier, sur la sécurité régionale plus largement. Et sur la question nucléaire.

Toutes ces questions ne peuvent pas être résolues dans les vingt prochains mois. Certaines pourraient l’être. Des progrès pourraient être faits avec un peu plus de détermination et de vision stratégique.

Il y a quelques semaines, vous avez mis en garde contre toute tentation d’attaquer l’Iran.

S’il n’y a pas un mouvement dans le sens que je viens de décrire, je crois qu’il y a un risque réel. Pas même nécessairement d’une guerre intentionnelle avec l’Iran. Mais une guerre produite par l’absence d’une politique alternative intelligente.

Vous croyez à une provocation ?

J’ai vu des gens dans l’administration qui aimeraient probablement cela ! Nous savons aussi qu’une discussion sur une possible provocation qui aurait pu servir de prétexte pour lancer la guerre contre l’Irak a eu lieu au début 2003, avant le déclenchement du conflit. Donc, on ne peut pas l’exclure totalement. Mais je crains davantage une série de collisions non intentionnelles, d’incidents, d’actes de violence allant peut-être jusqu’à un acte terroriste aux Etats-Unis qui pourrait alors être présenté comme nécessitant une réponse défensive. Ce n’est ni dans l’intérêt des Etats-Unis, ni dans celui de l’Iran.

Dans votre livre Second Chance - Three Presidents and The Crisis of American Superpower, vous évaluez la performance des trois premiers "présidents globaux", George H. Bush, William J. Clinton, George W. Bush. Comment décrivez-vous la période actuelle ?

C’est une période de confusion. Une période où le leadership global américain qui a émergé il y a quinze ans est maintenant vu dans de nombreux endroits du monde comme non crédible, non légitime, comme un objet de méfiance et d’antagonisme. La BBC a réalisé un sondage il y a environ une semaine. On a demandé aux gens autour du monde d’identifier les pays qui jouaient le rôle le plus positif ou négatif dans les affaires internationales. Les trois pays qui étaient perçus le plus négativement étaient dans l’ordre : Israël, l’Iran et les Etats-Unis. Dans mon livre, j’essaie d’expliquer aux Américains que les Etats-Unis ont mal géré les occasions qu’ils ont eues depuis quinze ans. Après 2008, ils pourraient avoir une seconde chance, mais il est absolument essentiel de réussir mieux.

Vous décrivez la tâche du prochain président. Vous pensez à quelqu’un ?

Chez les républicains, il faut que ce soit quelqu’un qui ouvre un débat sérieux sur la guerre parce que, jusqu’à présent, les principaux candidats l’ont soutenue. Et chez les démocrates, il faut que ce soit quelqu’un qui était clairement contre la guerre et qui soit capable d’incarner un nouveau visage de l’Amérique et de le projeter en direction d’un monde qui a radicalement changé depuis l’époque de la guerre froide.

Vous pensez au candidat démocrate Barack Obama ?

Je n’ai pas cité de nom. Chacun peut en tirer ses conclusions.

Zbigniew Brzezinski est ancien conseiller diplomatique de Jymmy Carter.

Propos recueillis par Corine Lesnes


Le programme américain de reconstruction critiqué

Le programme de reconstruction de l’Irak mené par les Etats-Unis a été sévèrement critiqué, jeudi 22 mars lors d’une audition au Sénat, par Stuart Bowen, inspecteur général de la reconstruction, nommé en 2003 pour contrôler l’utilisation de l’argent du contribuable.

Son rapport détaille une série d’erreurs, de retards et d’occasions manquées. Il dénonce la tension et le manque de coordination entre le Pentagone et le département d’Etat américain.

Corine Lesnes, correspondante à Washington - Le Monde, le 23 mars 2007

Par Corine Lesnes :
- Stratégie américaine d’étranglement de l’Iran

Par Barry Grey :
- Brzezinski : "Bush pourrait organiser une provocation pour attaquer l’Iran"
- Iran : Zbigniew Brzezinski lance une bombe politique


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