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Du sud des Etats-Unis à la Palestine, les Freedom Riders changent le cours de l’Histoire

jeudi 17 novembre 2011 - 18h:16

Nour Joudah - E.I

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J’ai grandi avec deux récits, deux Histoires, et à bien des égards deux pays.

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Les Freedom Riders palestiniens ont été arrêtés alors qu’ils contestaient le système israélien d’apartheid - Photo : Ahmad Gharabali/AFP

De l’âge de 5 à 21 ans, j’ai parcouru et aimé les collines du Tennessee où je vivais. Mais, dans ces mêmes années si formatrices, j’ai vécu suspendue aux informations, suivant avec impatience les événements de ma patrie, la Palestine occupée.

J’ai été inspirée par des modèles et des historiens qui m’ont instruite avec des histoires de luttes pour la justice. Notre voisin, M. Miller, me disait des récits d’un Tennessee et d’un Sud que je n’ai jamais vus : le Sud des lois Jim Crow [surnom donné à tout un ensemble de lois et arrêtés racistes et ségrégationnistes - N.d.T]. Il m’a raconté des histoires d’afro-américains attaqués par des émeutiers alors qu’ils passaient sur des chemins de campagne la nuit, d’écoles et de villes séparées, de lignes rouges et de ghettos, et surtout, d’hommes et de femmes pleins de courage qui se dressaient contre la discrimination flagrante des lois Jim Crow.

Ces récits me ramenaient chez moi, et j’écoutais ce que me disait mon père sur l’occupation israélienne de la Palestine. Ses récits étaient remplis d’attaques de colons contre des villageois palestiniens, de checkpoints interdisant les déplacements, de routes et de terres réservées aux seuls Juifs, et plus important encore, il me parlait de ces hommes et femmes pleins de courage qui continuent de s’opposer à l’injustice si évidente d’un système illégal et injuste de discrimination.

Il ne fallut pas longtemps avant qu’il ne devienne difficile de les distinguer, ces récits faisant écho aux mêmes défis et aux mêmes objectifs. Cette semaine, mon histoire personnelle et celle de ma patrie ont fusionné d’une nouvelle manière.

Apprendre de l’Histoire

Hier, les Freedom Riders palestiniens ont fait renaître le mouvement civique des Freedom Rides du sud des Etats-Unis en empruntant des transports publics réservés aux Israéliens en Cisjordanie pour se rendre à Jérusalem-Est sous occupation.

En s’opposant de façon non-violente au système de ségrégation et d’apartheid qui régit leur vie, les Palestiniens, déjà enracinés dans une longue histoire de résistance qui leur est propre (en particulier la mémoire de la populaire et surtout non-violente première Intifada), ont repris une page de l’histoire d’un autre mouvement pour les droits civiques qui luttait pour la justice et la liberté.

Certains dans le camp israélien pour la paix ou à Washington, les partisans de ce que l’on appelle le processus de paix, vont dire que ce n’est pas la façon de faire. Ils feront écho à ceux qui étaient du mauvais côté de l’histoire. Les Freedom Riders américains non seulement ont défié les lois Jim Crow et leur ségrégation, mais ils ont aussi défié de nombreux libéraux blancs et les conseils de citoyens blancs pour qui leurs actions étaient trop provocantes et arrivaient bien sûr trop tôt.

Le président Barack Obama a la semaine dernière honoré et remercié les Freedom Riders pour leur courage et leur dévouement il y a cinquante ans. Dans son discours du Caire en 2009, il a voulu encourager des initiatives similaires et non-violentes palestiniennes. Obama a maintenant une occasion en or d’envoyer un message fort au reste du monde, en exprimant un soutien solide - plutôt que de garder le silence qu’il a gardé depuis 2009 - aux les efforts des Freedom Riders palestiniens qui s’opposent tous les jours à la ségrégation et à la discrimination.

Vingt ans après le processus de paix d’Oslo, il est clair que la négociation avec Israël n’a pratiquement rien amené de positif. Les colonies israéliennes illégales ont plus que doublé, le Mur en Cisjordanie a été construit (enracinant efficacement l’apartheid), et les déplacements continuent à être fortement limités. Ce qui est nécessaire, ce n’est pas de parler davantage avec celui qui reste intransigeant ; ce qu’il faut, c’est la résistance civile.

Prendre un risque pour la liberté

Les Freedom Riders américains ont commencé leur campagne en sachant qu’ils allaient être arrêtés, ou pire, battus jusqu’à risquer de perdre leur vie. Ils ont pris une décision : « Jail no Bail » [jeu de mots voulant dire « plutôt la prison que la liberté sous caution » - N.d.T]. Les gens ont pensé qu’ils étaient fous, mais ils ont continué leur route pour la liberté et malgré les arrestations et les violences, ils se sont imposés.

De même, les Freedom Riders palestiniens ont reconnu que leur refus du système d’apartheid imposé par Israël est dangereux, et en fait, un acte où ils risquent leur vie. Ils étaient durant les voyages sous la menace de la violence des colons israéliens et sous la menace d’arrestation et de mauvais traitements par les forces israéliennes d’occupation. Ils sont pourtant restés fidèles à leur acte de désobéissance civile non-violente.

Le bus était encerclé par des soldats qui réclamaient des Freedom Riders qu’ils descendent de l’autobus. Après avoir refusé, les six Ridesr ont été traînés hors de l’autobus, un par un - ils scandaient alors des slogans, dont « Boycott Israël », « Free Gaza » et « Je suis un Freedom Rider Palestinien et je veux aller à Jérusalem ». Un journaliste et un militant palestinien ont également été arrêtés au checkpoint.

Dans les années 1960 aux États-Unis, le dicton était : « Nous vaincrons ». En Palestine, nous disons « Samidoon », ou « Nous sommes inébranlables. » C’est le courage, la persévérance, la force et un sens profond de la justice qui lient les luttes pour les droits autour du monde. Le Sumoud, ou la constance, chère aux Palestiniens et qu’il est difficile de bien traduire n’existe pas seulement chez eux. Il s’agit d’une racine commune à partir de laquelle les opprimés tirent leur inspiration et renforcent leur solidarité.

A ceux qui étaient contre l’injustice dans les années 1960, et qui sont fiers de ce moment dans l’histoire humaine, le temps est venu d’élever votre voix à nouveau aujourd’hui - cette fois pour réclamer justice pour les Palestiniens et mettre fin à la discrimination israélienne.

La route de la liberté est longue et change tous les jours. Mais c’est aussi un voyage qui ne connaît pas de frontières géographiques - que ce soit dans le Sud des lois Jim Crow ou en Palestine sous occupation et soumise à l’apartheid.

* Nour Joudah a grandi à Clarksville, Tennessee. Elle est diplômée en études internationales au Maryville College, et elle est actuellement candidate à une maîtrise au Centre d’études arabes et contemporaines à l’Université de Georgetown.

16 novembre 2011 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/conte...
Traduction : Naguib


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