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La Syrie glisse vers la guerre confessionnelle

samedi 29 octobre 2011 - 06h:31

Robert Fisk - The Independent

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Le récit des tueries dans la ville de Homs renforce le soutien à Assad à Damas.

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La guerre inter-confessionnelle devient une réalité en Syrie

Il y avait le journaliste de la télévision syrienne qui m’a demandé ce que je pensais de la situation en Syrie, et moi qui disais que vous ne pouvez plus infantiliser les Arabes, que les soulèvements/révoltes/révolutions/troubles dans le monde arabe étaient tous différents, mais que la dictature ne marche pas, que s’il y avait - si - une constitution nouvelle et sérieuse, pluraliste avec de vrais partis politiques et de véritables élections libres, la Syrie pourrait simplement sortir de cette tragédie, mais que le gouvernement n’avait plus beaucoup de temps... plus que très peu de temps.

Nous verrons si cela sera diffusé ce samedi (les lecteurs seront tenus informés) mais à l’extérieur dans la rue, une autre manifestation pro-Assad vient de commencer. IKls sont 10 000 puis bientôt 50 000 - ils pourraient se retrouver 200 000 en milieu de journée - et il n’y avait pas de transports de gens en camions dans le style de ce que faisait Saddam, sur la Place des Omeyyades. Il n’y a aucune présence des services de la Mukhabarat [renseignements] et les soldats sont ici avec leurs familles.

Où donc a-t-on vu une manifestation pro-gouvernementale lors du « réveil arabe » ? Il y avait des femmes voilées, des vieillards, des milliers d’enfants avec « Syrie », écrit sur ​​leurs visages. La plupart portent des drapeaux syriens, certaines brandissant même des drapeaux de la Russie et de la Chine.

Ont-ils été contraints de venir ? Je ne le pense pas - pas par le gouvernement Assad, en tout cas. Certains jouent au football dans les parcs autour de la place. D’autres ont marqué leurs noms - musulmans et chrétiens - sur une bannière décorée avec des branches d’un arbre massif représentant la Syrie. Mais si ces personnes étaient sous une contrainte, c’est celle des récits venant du nord.

J’ai parlé à 12 hommes et femmes. Cinq m’ont parlé de parents dans l’armée et qui ont été tués à Homs. Et les nouvelles de Homs sont très mauvaises. J’ai dîné mardi soir avec un vieil ami. Un de ses cousins, âgé de 62 ans, un ingénieur à la retraite, avait donné de l’eau à des soldats à Homs. Le lendemain matin, des hommes armés ont frappé à sa porte et l’ont abattu. Il était Chrétien.

Bien sûr, le gouvernement Assad avait mis en garde contre le risque d’une guerre sectaire. Bien sûr, le gouvernement Assad s’est donné le rôle du seul protecteur des minorités. Bien sûr, le gouvernement Assad avait affirmé que des islamistes et des « terroristes » étaient derrière l’opposition au régime qui est dans la rue. Il est également clair que la brutalité des forces de sécurité syriennes à Deraa et Homs et dans d’autres villes contre des manifestants désarmés a été un scandale, que ceux qui sont au gouvernement reconnaissent en privé.

Mais il est aussi transparent que la lutte en Syrie passe maintenant à travers le centre du pays et que de nombreux hommes armés s’opposent à l’armée. En effet, il m’a été rapporté que la ville de Homs - parfois pendant plusieurs heures d’affilé - tombe hors du contrôle du gouvernement. Les damascènes qui voyagent jusqu’à la ville d’Alep au nord pouvaient prendre le bus. Mais aujourd’hui plus que jamais, ils prennent l’avion pour éviter la route dangereuse entre Hama et Alep. Ce sont les raisons, je pense, qui font que tant de milliers se sont déplacés pour manifester hier à Damas. Ils ont peur.

Les journalistes étrangers ne sont pas autorisés à voyager à Homs - une grave erreur de la part du régime - où les Sunnites, Alaouites et Chrétiens vivent proches les uns des autres, au milieu d’Arméniens, de Circassiens et d’autres groupes. Une guerre sectaire pourrait bien être dans l’intérêt cynique de tout régime luttant pour sa survie. Mais à moins que tous ceux que j’ai rencontrés seraient en train de mentir (ce que je ne crois pas), c’est maintenant une réalité de plus en plus pesante dans le centre de la Syrie. Face à cela, aucun veto russe ou chinois aux Nations Unies ne sera d’une quelconque utilité.

Une délégation de la Ligue arabe - la plus pathétique et la plus inutile des institutions arabes - devait arriver à Damas hier après-midi. dans quel but ? Sont-ils censés envoyer une force de « paix » ? Il y a deux jours, Mohamed Kadour, le doyen de la Faculté de pétrochimie à l’université d’Homs, a été kidnappé en échange de la libération de détenus. Il a été libéré un jour plus tard. Si les hommes emprisonnés ont été libérés, nous ne le savons pas. Mais c’est déjà arrivé. Dans la ville d’Idlib, dit-on, tout le monde est armé. Et les armes - c’est toujours ce qui se dit - viennent du Liban.

Demandez qui sont ces hommes armés dans la région du centre de la Syrie et vous obtiendrez une foule de réponses : des Bédouins qui font de la contrebande de drogues avec l’Arabie Saoudite, des transfuges de l’armée, des « islamistes » venus d’Irak, « des gens qui pensent juste que il n’y a pas d’autre moyen de se débarrasser du régime ». Damas est une ville encore épargnée, avec ses lumières en fin de soirée dans les magasins et les restaurants et les milliers de personnes déambulant dans les rues. Mais Damas n’est pas toute la Syrie. Cette ville est dans une sorte de bulle.

Je me suis levé, hier, après seulement une heure et demie de sommeil - car à l’extérieur de mon hôtel, les employés du gouvernement étaient en train de tester le système sonore assourdissant pour la manifestation. Toute la nuit il y a eu des rafales d’acclamations pré-enregistrées, des tambours, des applaudissements et des trompettes. Mais ces foules de hier avaient-ils vraiment pas besoin de ces applaudissements fictifs et de tous ces ajouts trompeurs à leur propre manifestation ?

Officiellement, les choses vont mieux en Syrie. J’en doute.

Si le chiffre publié par les Nations unies de plus de 3000 morts civils est correct, et si les chiffres côté syrien de 1150 morts militaires sont corrects, et si le chiffres des morts de ces trois derniers jours - peut-être encore une cinquantaine - sont exacts, alors 4200 Syriens ont été tués en l’espace de sept mois. Et cela suffit pour susciter les craintes de tout un chacun.

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27 octobre 2011 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/opinio...
Traduction : Nazem


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