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Appel à résistance - la condition arabe

vendredi 12 mai 2006 - 14h:47

Edward Saïd

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Les États-Unis mènent une politique moyen-orientale fondée sur deux principes, et deux principes seulement : la défense d’Israël et le libre écoulement du pétrole arabe.

Chacun de ces deux principes impliquant une confrontation directe avec le nationalisme arabe. Aujourd’hui, aucun pays arabe n’est libre de disposer à sa guise de ses ressources nationales, ni d’adopter des positions qui correspondent à ses intérêts. Il est par conséquent de la plus extrême importance que nous rappelions qu’en dépit de leurs multiples divisions et disputes, les Arabes sont bien un peuple.

L’absence de démocratie dans le monde arabe est en partie le résultat d’alliances conclues entre des puissances occidentales et des régimes et/ou des partis de gouvernement minoritaires.

Non pas parce que les Arabes ne s’intéressent pas à la démocratie, mais bien parce que la démocratie est considérée depuis fort longtemps comme une menace par plusieurs des acteurs de ce drame hum ain. Nous devons impérativement obtenir des sociétés arabes débarrassées de leur état de siège auto-imposé et pour ainsi dire réciproque, entre gouvernants et gouvernés. Nous avons besoin de toutes les forces politiques et intellectuelles pour lutter contre le projet impérial de redessiner nos vies sans notre consentement.

Mon impression est que le ressenti de beaucoup d’Arabes, aujourd’hui, au sujet des événements qui se déroulent depuis deux mois, en Irak, est rien moins qu’un sentiment de catastrophe. Il est vrai que le régime de Saddam Hussein était insoutenable, à tous points de vue, et qu’il méritait amplement d’être éliminé. Mais tout aussi sincère est le sentiment de colère ressenti par beaucoup face à la cruauté et au despotisme incroyables de ce régime, ainsi que devant les souffrances indicibles du peuple irakien.

Il semble peu douteux que beaucoup trop de gouvernements et d’individus ont contribué à maintenir Saddam Hussein au pouvoir, en fermant les yeux pour ne point voir et en continuant leur « business, as usual ». Néanmoins, la seule chose qui ait donné aux États-Unis le feu vert pour bombarder ce pays et en détruire le gouvernement, ce n’est ni un droit moral ni une motivation rationnelle, mais bien plutôt la puissance militaire à l’ét at brut.

Après avoir soutenu l’Irak baassiste et la personne de Saddam Hussein, des années durant, les États-Unis et le Royaume-Uni se sont arrogé le droit de nier leur propre complicité dans son despotisme, puis de décréter qu’ils étaient en train de libérer l’Irak de cette tyrannie honnie. Ce qui semble se faire jour, sous nos yeux, dans ce pays, tant pendant qu’après la guerre anglo-américaine illégale contre le peuple et la civilisation qui incarne l’essence de l’Irak, représente une menace extrêmement préoccupante pour le peuple arabe dans son ensemble.

Il est par conséquent de la plus extrême importance que nous rappelions, en tout premier lieu, qu’en dépit de leurs multiples divisions et disputes, les Arabes sont bien un peuple, et non une collection de pays choisis au hasard pour y mener des interventions armées étrangères et y imposer une loi venue de l’extérieur. Il y a une continuité manifeste dans l’impérialisme, qui commence avec la domination ottomane imposée aux Arabes au seizième siècle et se poursuit jusqu’à nos jours.

Après l’Ottoman, les empires britannique et français s’imposèrent à eux au cours de la première Guerre Mondiale. Puis, après la seconde Guerre Mondiale, vinrent s’imposer les États-Unis et Israël. L’une des tendances les plus insidieusement influentes, dans la pensée des orientalismes contemporains américain et israélien, devenue évidente dans la politique américaine et israélienne depuis la fin des années 1940, est faite d’une hostilité virulente et très profondémen t ancrée envers le nationalisme arabe et d’une volonté politique de le contrer et de le combattre par tous les moyens imaginables.

Le fondement du nationalisme arabe au sens large est que, en dépit de leur diversité et du pluralisme de leur matérialité et de leurs styles de vie, les gens dont la langue et la culture sont arabes et musulmane (appelons-les les arabophones, comme le fait l’historien Albert Hourani dans son dernier livre) constituent une nation et non pas simplement une collection d’États éparpillés entre l’Afrique du Nord et les frontières occidentales de l’Iran. Le moindre corollaire de ce principe qui fût indépendant s’est vu ouvertement attaqué, que ce soit durant l’opération de Suez de 1956, pendant la guerre coloniale de la France en Algérie, les guerres d’occupation et de dépossession menées par Israël ou la dernière campagne contre l’Irak, guerre dont l’objectif déclaré était de renverser un régime donné, mais dont l’objectif réel était la dévastation du plus puissant des pays arabes.

Et, de la même manière que les expéditions militaires des Français, des Britanniques, des Israéliens et des Américains contre Abdel Nasser visaient à abattre une force qui revendiquait ouvertement l’ambition d’unifier les Arabes dans une puissance politique indépendante et conséquente, les Américains ont pour but, aujourd’hui, de redessiner la carte du monde arabe afin qu’elle satisfasse aux intérêts américains, et non aux intérêts arabes. La politique des États-Unis vise à fragmenter le monde arabe, à imposer aux Arabes l’inaction collective et la faiblesse tant économique que militaire.

Bien fou serait-il, celui qui prétendrait que le nationalisme et le séparatisme doctrinaire des pays arabes pris individuellement, qu’il s’agisse de l’Égypte, de la Syrie, du Koweït ou de la Jordanie, serait préférable et représenterait un état de choses existant plus productif politiquement qu’un schéma à venir de coopération inter-arabe, dans les sphères économique, politique et culturelle. Certes, je n’entrevois nul besoin d’une intégration totale, mais toute forme de coopération utile et de planification ne peut être que préférable, et de loin, aux lamentables sommets qui ont défiguré notre vie nationale, notamment au cours de la crise irakienne.
Chaque Arabe se pose, à l’instar de tout non-Arabe d’ailleurs, la question suivante : pourquoi les Arabes ne mettent-ils pas leurs ressources en commun pour défendre les causes qu’ils affirment - tout au moins, au niveau officiel - soutenir, et en lesquelles - dans le cas de la cause palestini enne, c’est particulièrement évident - leur peuple croit sincèrement, et même passionnément ?

Je ne perdrai pas une minute à prétendre que tout ce qui a été fait afin de promouvoir le nationalisme arabe serait en quoi que ce soit susceptible d’être excusé, qu’il s’agisse de ses abus, de sa courte vue, de son gaspillage, de sa répression et de sa folie meurtrière. L’état des services du nationalisme arabe ne saurait être qualifié de brillant. Mais je tiens à affirmer de manière catégorique, en revanche, que si depuis le début du vingtième siècle, les Arabes n’ont jamais été en mesure de pousser à son terme leur indépendance collective, globalement ou partiellement, c’est uniquement à cause des visées, revêtant une importance stratégique et culturelle, nourries par des puissances extérieures.

Aujourd’hui, aucun pays arabe n’est libre de disposer à sa guise de ses ressources nationales, ni d’adopter des positions qui correspondent à ses intérêts d’État, tout particulièrement si ces intérêts semblent représenter, de près ou de loin, une quelconque menace pour les ambitions américaines.

Depuis plus de cinquante ans que l’Amérique a pris en main la domination mondiale, et encore plus depuis la fin de la Guerre froide, elle mène une politique moyen-orientale fondée sur deux principes, et deux principes seulement : d’abord la défense d’Israël et ensuite le libre écoulement du pétrole arabe. Chacun de ces deux principes impliquant une confrontation directe avec le nationalisme arabe.

De toutes les manières possibles, à de rares exceptions près, la politique américaine est constamment méprisante et ouvertement hostile aux aspirations du peuple arabe, bien qu’on doive constater qu’elle rencontre un succès encore plus éclatant depuis la disparition de Nasser, puisqu’elle ne rencontre pratiquement plus aucun challenger parmi les gouvernants arabes, lesquels se plient absolument à toutes ses exigences.

Durant les périodes de la plus extrême pression sous l’une ou l’autre forme (c’est-à-dire sous la forme de l’invasion israélienne du Liban en 1982 ou sous celle des sanctions imposées à l’Irak et qui visaient à affaiblir le peuple irakien et l’État pris en totalité, des bombardements en Libye et au Soudan, des menaces contre la Syrie ou encore des pressions sur l’Arabie saoudite), la faiblesse collective des Arabes a été rien moins que stupéfiante. Ni leur énorme puissance économique collective, ni la volonté - bien réelle - de leur peuple n’ont incité les pays arabes à simplement esquisser le moindre geste de protestation.

La politique impériale du « diviser pour régner » s’est imposée, souveraine, parce que chaque gouvernement semble redouter le risque éventuel d’endommager ses relations bilatérales avec les États-Unis. Cette considération a supplanté toute contingence, quelle qu’en fût l’urgence. Certains pays arabes s’en remettent à l’aide économique des États-Unis, d’autres comptent sur leur protection militaire. Tous, cependant, semblent avoir décidé qu’ils n’auront pas plus confiance les uns dans les autres qu’ils ne se soucient du bien être de leur propre population (c’est dire à quel point ils ne se font pas confiance...), préférant la morgue et le mépris des Américains qui n’ont progressivement fait qu’empirer, dans leurs rapports avec les pays arabes, au fur et à mesure que l’arrogance de la superpuissance unique s’affirmait. Il faut le dire : force est bien de constater que les pays arabes se sont combattus entre eux avec beaucoup plus d’enthousiasme qu’ils n’ont combattu leurs vrais agresseurs - les agresseurs extérieurs...

Le résultat, aujourd’hui, après l’invasion de l’Irak, c’est une nation arabe profondément démoralisée, écrasée et abattue, encore moins capable que jamais de faire autre chose qu’acquiescer aux plans américains annoncés consistant à faire des gestes et à adopter des postures dans toutes sortes d’efforts visant à redessiner la carte du Proche-Orient dans un sens favorable aux intérêts tant des États-Unis que, bien entendu, d’Israël.

Et même ce projet grandiose n’a pas encore reçu la plus vague des réponses collectives des pays arabes, qui semblent regarder la scène comme des badauds attendant que quelque chose de nouveau se produise, tandis que Bush, Rumsfeld, Powell et les autres se répandent en menaces, en projets, en visites, en rebuffades, en bombardements et en déclarations unilatérales. Ce qui rend tout ça particulièrement humiliant, c’est que contrairement aux Arabes, qui ont totalement accepté une feuille de route américaine (ou quartétienne) qui semble sortie tout droit du rêve somnambulique de George Bush, les Israéliens se sont froidement abstenus de manifester la moindre acceptation.

Quel peut bien être le sentiment d’un Palestinien lorsqu’il voit un dirigeant subalterne comme Abou Mazen (Mahmoud Abbas), qui a toujours été le subordonné fidèle d’Arafat, embrasser Colin Powell et les Américains, alors qu’un enfant de quatre ans comprend que la feuille de route v ise a) à provoquer une guerre civile palestinienne et b) à offrir l’acceptation des diktats israélo-américains en matière de « réforme » en échange de vraiment pas grand-chose. Pourrons-nous continuer à nous enfoncer de la sorte encore longtemps ?

Quant aux plans des Américains en Irak, il est aujourd’hui parfaitement clair que ce qui va se passer n’est rien moins qu’une occupation coloniale rétro, ressemblant fort à celle d’Israël depuis 1967. L’idée d’apporter une démocratie « american style » en Irak signifie pratiquement aligner ce pays sur la politique des États-Unis, c’est-à-dire : un traité de paix avec Israël, des marchés pétroliers orientés au profit des Américains, et un ordre civil maintenu à un niveau minimal, qui n’autorise ni une réelle opposition, ni une réelle mise sur pied des institutions. Peut-être l’idée est-elle même de susciter en Irak une guerre civile type Liban. Je n’en suis pas certain.

Mais, tenez : voici un petit exemple du genre de planification qui est en train d’être entreprise. Il avait été annoncé, récemment, dans la presse américaine, qu’un professeur de droit de l’Université de New York, âgé de trente-deux ans, Noah Feldman, serait c hargé de la rédaction d’une nouvelle constitution irakienne. Il a été fait mention, dans tous les articles de presse annonçant cette nomination extrêmement importante, du fait que ce Feldman était un expert en droit musulman extraordinairement brillant, qu’il avait étudié l’arabe depuis l’âge de quinze ans, et qu’il avait reçu l’éducation d’un juif orthodoxe.

Mais le hic, c’est qu’il n’a jamais pratiqué le droit dans un pays arabe, qu’il n’a jamais mis les pieds en Irak et qu’il ne semble avoir aucune expérience réelle, pratique, des problèmes posés à l’Irak d’après-guerre. Quel provocation effrontée, non seulement vis-à-vis de l’Irak lui-même, mais aussi pour ces légions d’Arabes et de musulmans, juristes dans l’âme, qui auraient pu accomplir très honorablement cette mission au service de l’avenir de l’Irak ! Mais : « No ! » L’Amérique veut que cela soit fait par un jeune collègue tout frais émoulu des universités, afin de pouvoir dire : «  ;C’est nous - Nous - qui avons donné à l’Irak sa toute nouvelle démocratie ! » Un mépris à couper au couteau...

L’impuissance apparente des Arabes face à cette situation, voilà ce qui est tellement décourageant, et pas seulement parce qu’aucun effort conséquent n’a été fait afin d’élaborer une réponse collective à cette situation. Pour quelqu’un comme moi, qui réfléchit à cette situation de l’extérieur, je trouve étonnant qu’en cette période de crise, il n’y ait eu aucune trace que ce soit d’un quelconque appel lancé par les gouvernants à leur peuple afin qu’il les soutienne face à ce que force est bien de considérer comme une menace nationale collective.
Les planificateurs militaires américains n’ont pas fait de mystère sur le fait que ce qu’ils prévoient, c’est un changement radical dans le monde arabe, un changement qu’ils pourront imposer par la force des armes et aussi grâce au fait qu’ils ne trouvent pratiquement aucune résistance devant eux. De plus, l’idée, au-delà de cette entreprise, semble bien être rien moins que la destruction de l’unité du peuple arabe une bonne fois pour toutes, une destruction qui modifie les fondements de leur existence et leurs aspirations, irrémédiablement.

Face à un tel étalage de puissance, j’aurais eu tendance à penser qu’une alliance sans précédent entre les dirigeants arabes et le peuple représentait la seule dissuasion possible. Mais cela, à l’évidence, requerrait de chaque gouvernement arabe qu’il entreprît d’ouvrir sa société à son propre peuple, de faire entrer son peuple dans sa société, pour ainsi dire, d’ajourner toutes les mesures sécuritaires et répressives afin de se donner la possibilité d’une opposition organisée face au néo-impérialisme. Un peuple contraint à faire la guerre, tout comme un peuple réduit au silence et opprimé, ne pourra jamais s’élever à la hauteur requise par la situation.

Ce que nous devons impérativement obtenir, ce sont des sociétés arabes enfin débarrassées de leur état de siège auto-imposé et pour ainsi dire réciproque, entre gouvernants et gouvernés. Et pourquoi pas, plutôt, accueillir la démocratie en vue de défendre la liberté et l’autodétermination ? Pourquoi pas dire : nous voulons que chaque citoyen qui le veuille soit mobilisé dans un front commun contre un ennemi commun ? Nous avons besoin de toutes les forces politiques et intellectuelles avec nous pour lutter contre le projet impérial de redessiner nos vies sans notre consentement. Pourquoi la résistance devrait-elle être abandonnée aux seules formations extrémistes et aux seuls kamikazes désespérés ?

J’ouvre ici une parenthèse. J’aimerais mentionner ici qu’à la lecture du rapport consacré au développement humain dans le monde arabe par l’ONU, j’ai été frappé par le peu de cas fait par ce rapport des conséquences des interventions impérialistes dans le monde arabe, et de leurs effets - ô combien - profonds et durables. Je ne pense pas, bien entendu, que tous nos problèmes proviennent de l’extérieur, mais je ne saurais accepter l’affirmation que nous les aurions tous créés de nos propres mains. Le contexte historique et les problèmes découlant de la fragmentation politique jouent un rôle très important, auquel le rapport en question n’accorde pas l’attention qu’il mérite.

L’absence de démocratie dans le monde arabe est en partie le résultat d’alliances conclues entre puissances occidentales, d’une part, et des régimes et/ou des partis de gouvernement minoritaires, d’autre part, non pas parce que les Arabes ne s’intéressent pas à la démocratie , mais bien parce que la démocratie est considérée depuis fort longtemps comme une menace par plusieurs des acteurs de ce drame humain. De surcroît, pourquoi adopter la formule américaine de démocratie (qui n’est généralement qu’un euphémisme désignant la liberté des marchés et une attention minimale apportée à la dignité humaine et aux services sociaux) comme si elle était unique ? Ce sujet mériterait d’être bien plus longuement débattu et développé. Je ne le ferai pas ici et je retourne, donc, à mon sujet de départ.

Imaginez à quel point la position palestinienne aurait pu être aujourd’hui bien meilleure face à l’assaut conjoint des États-Unis et d’Israël s’il y avait eu une démonstration d’unité, au lieu d’un embrouillaminis invraisemblable de positions autour de la composition de la délégation devant rencontrer Colin Powell...

Depuis des années, je ne parviens pas à comprendre pourquoi les dirigeants palestiniens ont toujours été incapables d’élaborer une stratégie commune et unifiée afin de faire face à l’occupation et de ne pas être la victime des diversions successives, au choix, des projets Mitchell, Tenet ou du Quartet.

Pourquoi ne disons-nous pas à tous les Palestiniens : nous sommes confrontés à un ennemi dont les projets de contrôler nos territoires et nos vies sont archi-connus et il n’y a qu’ensemble que nous pourrons les combattre ?

Le problème crucial - partout, pas seulement en Palestine - c’est cette satanée coupure omniprésente entre gouvernants et gouvernés, rejeton difforme de l’impérialisme, c’est cette peur primale face à toute participation démocratique, comme si un excès de liberté risquait de faire perdre à l’élite coloniale au pouvoir un peu des faveurs dont elle jouit auprès de l’autorité impériale. Le résultat, bien entendu, c’est non seulement l’absence de mobilisation réelle de qui que soit dans le combat commun, mais aussi la perpétuation de l’atomisation sociétale et d’un esprit de clocher mesquin. L’état des lieux, actuellement, nous montre qu’il y a beaucoup trop de citoyens arabes non concernés et non participants à la vie de leur nation.

Qu’ils le veuillent ou non, les Arabes sont aujourd’hui confrontés à une agression généralisée contre leur devenir, menée par une puissance impériale - l’Amérique - laquelle s’emploie, de conserve avec Israël, à nous pacifier, nous soumettre et finalement nous réduire à une poignée de fiefs en guerre les uns contre les autres, dont la loyauté première n’irait nullement vers leur peuple respectif, mais les lierait directement à la superpuissance (et à ses vassaux régionaux).

Refuser de comprendre que ce conflit définira notre région pour des décennies à venir reviendrait à se boucher volontairement les yeux.

Ce qui est aujourd’hui requis, c’est de briser les chaînes de fer qui lient les Arabes en paquets dissociés de citoyens mécontents, de dirigeants extrêmement peu fiables et d’intellectuels frustrés. La crise à laquelle nous sommes confrontés est sans précédent. Des moyens sans précédents sont, par conséquent, requis si l’on veut y faire face . Le premier pas, dès lors, consiste à prendre conscience de l’ampleur du problème.

Ensuite, il faudra passer à la phase consistant à dépasser ce qui nous réduit à une rage impuissante et à une réaction aussitôt réprimée et marginalisée, c’est-à-dire à notre condition actuelle, que nous n’avons en aucun cas délibérément admise. L’alternative à une condition aussi peu attractive permettrait d’entrevoir bien plus d’espoir qu’on n’ose en imaginer aujourd’hui.

Edward Saïd était professeur de littérature comparée à la Columbia University de New York et ancien membre du Conseil national palestinien - http://www.edwardsaid.orgl Ahram-Weekly -

article in Al Ahram-Weekly - 20 mai 2003


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