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Les mosquées de Gaza portent les marques de la guerre

dimanche 17 juillet 2011 - 07h:34

Eva Bartlett

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« Bien que pauvres, comme le sont la plupart des Palestiniens de la bande de Gaza, les gens donnent ce qu’ils peuvent, même très peu, parce que les mosquées sont importantes pour leur vie quotidienne ».

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Des jeunes jouent dans les décombres de la mosquée al-Taqwa à Gaza ville - juillet 2009.
(Wissam Nassar - Maan Images)




« La mosquée n’était qu’à cent mètres de notre maison » dit Mohammed, un habitant de Beit Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza. « Nous priions ici chaque jour, cinq fois par jour. Mais c’était plus qu’une maison de prière ».

Mohammed parle là de l’une des 34 mosquées totalement détruites durant l’opération Plomb durci, l’agression de 23 jours par Israël contre la bande de Gaza en décembre 2008/janvier 2009.

Les bombardements israéliens du 4 janvier 2009, qui ont écrasé la mosquée Omar Ibn Abdul Aziz à Beit Hanoun, ont également endommagé bien des maisons avoisinantes et le club de sport de l’endroit. « L’explosion a projeté des gravats jusque sur notre maison » rappelle Mohammed. « Maintenant, nous allons à une mosquée à quinze minutes d’ici, une mosquée que nous ne connaissons pas intimement ».

Selon Hassan Saifi, représentant du ministère pour les Affaires religieuses à Gaza, un quart des 800 mosquées de la Bande ont été endommagées ou détruites par l’attaque israélienne sur Gaza.

« Deux cents mosquées endommagées, un nombre choquant » dit Saifi. « Parmi elles, 34 dans toute la bande de Gaza ont été complètement détruites.

« Particulièrement dans le nord de Gaza, qui a été le plus durement touché et où 15 moquées ont été complètement détruites, le bombardement des mosquées a causé de nombreuses victimes civiles », ajoute Saifi, notant que c’est dans la partie nord de Gaza que vivait une plus grande proportion de réfugiés palestiniens, dans des camps surpeuplés.

« Les murs des mosquées sont aussi très souvent les murs des nombreuses maisons tassées tout autour. Alors, quand les mosquées sont bombardées, bien des maisons sont bombardées dans le même temps. »

Des fillettes tuées dans leur sommeil

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Mosquée détruite à Gaza.
(Eva Bartlett/IPS)

Avec tant de mosquées détruites et plus de 150 autres gravement endommagées par les bombardements israéliens, beaucoup à Gaza sont convaincus que ces destructions étaient intentionnelles.

« Les Israéliens ont utilisés des avions parmi les plus sophistiqués et des drones sans pilote dotés d’équipement de précision visuelle » dit Saifi. « Ils ont détruit beaucoup de nos mosquées pendant les tout premiers jours de leur attaque. Ils avaient évidemment l’intention de détruire nos mosquées, sans se soucier de ceux qui vivaient à proximité ou qui priaient à l’intérieur ».

Le Centre palestinien pour les droits de l’homme (PCHR) a compilé des détails sur un certain nombre de mosquées touchées, et note que beaucoup des frappes israéliennes sur les mosquées ont eu lieu durant la première semaine de l’attaque.

Le 28 décembre 2008, les avions israéliens ont bombardé la mosquée Imad Aqel, dans le camp de réfugiés de Jabalya, tuant cinq fillettes de 4 à 17 ans, qui dormaient dans leurs maisons, près de la mosquée. Dix-sept autres civils ont été blessés dans le bombardement et beaucoup de maisons avec des murs en ciment bon marché, des terrasses recouvertes d’amiante entourant la mosquée ont été démolies ou sérieusement endommagées.

La mosquée Ibrahim Maqadma à Jabalya a été touchée par un missile tiré depuis un drone en janvier 2009, rapporte le PCHR, missile qui a blessé plus de 30 civils, et en a tué 15 autres, dont 4 enfants. Certaines des victimes étaient en train de prier au moment de l’attaque.

Prendre des mosquées pour cible, parmi d’autres zones civiles, est une violation du droit international, et notamment des Conventions de Genève.

« L’État sioniste d’occupation ne respecte ni les églises ni les mosquées, ni aucune loi internationale » dit Saifi. « Ils ont même bombardé l’entrepôt où les Nations-Unies stockaient leurs denrées alimentaires, les écoles des Nations-Unies, ils ont attaqué la Croix-Rouge, alors que ce sont des organisations internationales ».

La destruction par Israël d’infrastructures civiles durant l’attaque sur Gaza est allée bien au-delà des mosquées. Elle a compris encore des jardins d’enfants, des écoles, des hôpitaux, des ambulances, des voitures, des maisons et des universités.

Les bombardements ont également frappé des bâtiments et des sites historiques, notamment la mosquée Nasser à Beit Hanoun. Construite en l’an 736 de notre ère moderne, la mosquée a été touchée par un bombardement israélien le 2 janvier 2009, qui l’a complètement détruite.

« C’était un bâtiment historique et il aurait dû être préservé » dit Saifi. « Comme tout site historique dans le monde, nos vestiges aussi doivent être protégées en tant que sites du patrimoine mondial, pas juste de la Palestine. »

Le ministère de Gaza pour les Affaires religieuses a calculé que la reconstruction des mosquées de Gaza coûterait plus de 13,5 millions de dollars (environ 930 000 ?). Sous le siège israélien, qui interdit l’entrée des matériaux de construction et qui, durant les cinq années passées, a conduit de nombreux donateurs internationaux à geler ou à réduire leurs financements pour Gaza, bien peu de reconstructions ont pu se faire.

« Certaines personnes et organisations ont fait passer de l’argent et des matériaux par les tunnels depuis l’Égypte » dit Saifi. «  Après deux ans et demi, nous n’avons pu commencer la construction que de dix mosquées dans toute la bande de Gaza. »

« Construite par mon grand-père »

« Bien que pauvres, comme le sont la plupart des Palestiniens de la bande de Gaza, les gens donnent ce qu’ils peuvent, même très peu, parce que les mosquées sont importantes pour leur vie quotidienne ».

Depuis janvier 2009, les Palestiniens de Gaza, accoutumés à prier dans les mosquées près de chez eux, ont eu recours à des mosquées plus éloignées pour prier, ou à des mosquées de fortune, faites de clôtures de barbelés et de bâches en plastique.

Centres religieux du monde entier, les mosquées servent aussi de lieux de rencontre pour les familles et les amis, leur rôle va au-delà du lieu de prière.

« Quiconque voyage ou s’éloigne de son foyer peut entrer dans une mosquée pour boire de l’eau, utiliser les sanitaires, se reposer et prier » dit Saifi.

A Beit Hanoun, Mohammed évoque à quel point sa mosquée locale était importante pour sa famille. «  Mon grand-père l’a construite il y a des décennies, et des voisins ont aidé comme ils pouvaient. Certains ont donné de l’argent, d’autres ont donné des matériaux, par exemple des pierres, des portes, ou ce qu’ils pouvaient offrir. Elle était une partie de nous-mêmes et de notre communauté. »


Voir aussi : Un « congrès imposture » sur le terrorisme d’Alain Gresh, Le Monde diplomatique


* Eva Bartlett est une avocate canadienne spécialisée dans les droits de l’homme. Elle vit actuellement dans la bande de Gaza.

Du même auteur :

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Gaza ville, le 8 juillet 2011 - IPS - The Electronic Intifada - traduction : JPP


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