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Montrez-nous le tireur

lundi 9 mai 2011 - 01h:10

Pepe Escobar
Asia Times

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De sorte que personne au monde ne saura jamais.

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La "résidence" au Pakistan où Ben Laden a vécu toutes ces années, sans être dérangé
(AFP - Aamir Qureshi)




L’ ?il fureteur

Montrez-nous ce héros des Navy Seals qui a fait le double-clic sur Oussama Ben Laden - le une-deux sur sa tête pour être sûr que la cible d’un boulot de première était bien liquidée - après une « fusillade » dont il manque quasiment la moindre trace dans cette « résidence » sordide d’Abbottabad.

Montrez-nous le plus grand héros de l’histoire américaine contemporaine, l’homme qui a abattu l’ennemi public numéro un de l’Amérique, le plus méchant terroriste de l’histoire de l’univers qui organisa l’attaque la plus spectaculaire de tous les temps contre les États-Unis.

Ovationnez-le à Ground Zero et dans le centre de Manhattan, donnez-lui toute une rangée de médailles de guerre aux couleurs d’arc-en-ciel, faites-le associé au Goldman Sachs, mettez-le sur Oprah, Rush et Anderson Cooper, initiez-le au Rock-n Roll Hall of Fame.

Si vous êtes républicain, mettez-le dans la course pour devenir Président ; contrairement à Donald Trump avec « son renard sur la tête », ou à Sarah Palin, qui « voit le Pakistan de sa maison », il a réduit en réalité le Président Barack Obama à un dommage collatéral. Ou du moins, l’a-t-il couronné secrétaire à la Défense - suprême pourvoyeur de l’assassinat ciblé, vu comme un outil capital de la diplomatie internationale.

Prenez-en deux

Rembobinez cette scène à suspense dans toute sa gloire haute définition ; retransmettez en direct ce qui s’est passé dans la pièce à Washington.

Le héros, avec tout son équipement, gonflé à bloc, se trouve face à face avec le vrai Oussama Ben Laden, sans armes, tout juste sorti du lit, pris au piège dans une pièce toute triste. Il n’a aucune échappatoire possible ; tout le bâtiment est « sécurisé ». Il est arrivé, le moment dont l’Amérique ne cesse de rêver depuis le 11 septembre 2001.

La scène a été répétée des centaines de fois auparavant, pendant la sempiternelle « guerre contre le terrorisme ». La procédure impliquait d’immobiliser le suspect, de lui passer la tête dans un sac, de l’emmener vers un hélicoptère (il y en avait trois dehors, dont l’un s’était déjà crashé), puis vers une base militaire, et de là, vêtu d’une combinaison orange, direct à Gitmo (Guantanamo).

On y est, le héros est face à face avec l’homme qui a provoqué la « guerre contre le terrorisme » qui l’a fait exister. Et que fait-il le héros ? Il ne tire pas une balle dans un bras, ni dans une jambe ou un genou. Non, pas même une grenade incapacitante lancée d’une main nonchalante. Aucune reddition extraordinaire - qu’est-ce qui est bon de toute façon si ça ne s’applique pas à l’ennemi public numéro un ?

Le héros va double-cliquer sur le fugitif - nom de code « Géronimo » (du nom d’un autochtone qui a défié l’Empire ; souillant une fois encore les Amérindiens). C’est la plus grande, la plus coûteuse chasse à l’homme qui n’a jamais abouti ; pas avec une fusillade prolongée, non, simplement deux balles dorées. Un bon gars qui en descend un mauvais. Dirty Harry (l’Inspecteur Harry) qui descend le voyou.

De sorte que personne au monde ne saura jamais. Personne ne saura jamais comment « Géronimo » est devenu un atout pour la Central Intelligence Agency - et comment une « amitié » s’est nouée durant les années quatre-vingt. Comment il s’est échappé de Tora Bora - ni comment le Pentagone l’a laissé s’échapper. Comment il a vécu au Pakistan toutes ces années, sans être dérangé. Ni pourquoi il « nous haïssait ».

Et par-dessus tout, comment il a pu « organiser » le 11 Septembre. Quelle branche - ou filiale, ou individus - des renseignements américains était au courant et à laisser faire. Comment une bande d’Arabes avec des cutters et sachant à peine piloter a pu transformer des jets en missiles et détruire les tours jumelles (plus la Tour 7) avec une partie de l’imposant bâtiment du Pentagone.

Qui au monde n’aurait pas osé se coller pendant des mois au plus grisant procès de tous les temps ?

Il y a des raisons de croire que les entités - le système - qui ont arrangé le coup n’auraient pas été très heureuses. Alors le verdict c’est, coupable, tel qu’il (n’) est (pas) accusé - et l’issue, une balle dans la tête. Jamais il ne fut aussi facile de créer un désert, et de l’appeler « justice ».

Comme les autres, nous allons passer le reste de notre vie dans la nuit.


Pepe Escobar est l’auteur de Globalistan : How the Globalized World is Dissolving into Liquid War (Nimble Books, 2007) et Red Zone Blues : a snapshot of Baghdad during the surge. Son dernier livre vient d’être publié : Obama does Globalistan (Nimble Books, 2009).

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5 mai 2011 Asia Times - traduction : JPP


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