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A Juliano et Vittorio

jeudi 5 mai 2011 - 03h:09

Lamis Andoni - Al Jazeera

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Juliano Mer-Khamis et Vittorio Arrigoni étaient des humanistes qui ont cru en la lutte pour le peuple palestinien. Ils ont bravé l’occupation israélienne et ils étaient prêts à sacrifier leur vie pour la liberté.

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Vittorio Arrigoni était militant de l’International Solidarity Movement [ISM] - Photo : Reuters

Mais à la différence des militants Rachel Corrie et Tom Hurndall du Mouvement International de Solidarité qui ont été assassinés par les forces israéliennes d’occupation alors qu’ils essayaient de protéger des familles palestiniennes, Juliano et Vittorio ont été assassinés par des membres des communautés palestiniennes qu’ils étaient venus apprendre à connaître et en qui ils avaient confiance. Le premier a été abattu par des assaillants inconnus, vraisemblablement palestiniens, et le second par des fanatiques palestiniens.

Le 4 avril, des hommes armés et masqués ont tiré sur Juliano devant le Théâtre de la Liberté qu’il avait fondé dans le camp de réfugiés de Jénine. Dix jours plus tard, Vittorio, un militant d’ISM, a été enlevé et ensuite retrouvé mort étranglé dans un appartement dans la Bande de Gaza.

Les militants de la solidarité ont traditionnellement été accueillis, et même pratiquement adoptés, par les communautés qui les hébergeaient. Qu’ils aient été tués par ceux-là même qu’ils essayaient de défendre a produit une onde de choc qui a touché profondément au coeur les communautés palestiniennes à travers le monde.

Beaucoup de Palestiniens voudraient croire que les deux hommes ont été assassinés par des collaborateurs d’Israël. Après tout, c’est Israël - qui n’a jamais caché sa haine des militants, israéliens ou non - qui tire le plus profit d’une intimidation des membres de du mouvement de solidarité.

Les militants de la solidarité sont des témoins des crimes commis par les Israéliens contre les Palestiniens. Bon nombre d’entre eux sont devenus des chroniqueurs de la lutte des Palestiniens et de puissantes voix travers le monde. Ils tissent généralement des liens forts et intimes avec les personnes avec qui ils partagent leur vie quotidienne, les succès et les défaites, les joies et les peines.

Juliano et Vittorio étaient devenus partie intégrante de la communauté palestinienne, très liés avec ceux avec qui ils ont vécu. Bien qu’ils aient pris des voies très différentes pour la même destination, ils avaient en commun leur engagement pour la résistance non violente et pour une paix équitable.

L’histoire de Juliano

Né d’un père chrétien et palestinien, et d’une mère juive et israélienne, Juliano était devenu un acteur israélien connu.

Son père, Saliba Khamis, était membre du Parti Communiste israélien, une organisation qui pendant les deux premières décennies de l’existence d’Israël, a prêté sa voix aux Palestiniens qui avaient pu rester après la Nakba [expulsion massive de la population palestinienne par les colons sionistes en 1948 - N.d.T]. A un moment de leurs vie, les poètes Palestiniens Mahmoud Darwish et Samih Qassem ont appartenu à ce parti, qui a donné quelques-uns des grands dirigeants palestiniens dont Tawfiq Ziad, le courageux maire de Nazareth. Ziad a écrit le fameux poème devenu ensuite chanson Je vous appelle, qui réaffirme l’identité palestinienne des Arabes israéliens.

La jeunesse de Juliano était typique de celle de beaucoup de jeunes israéliens - il avait joint l’armée israélienne avant de s’embarquer pour une carrière dans l’industrie cinématographique israélienne. Il a tout d’abord semblé isolé de ses racines palestiniennes mais sous l’influence de sa mère juive qui avait passé beaucoup de d’années à vivre avec des enfants palestiniens, il s’est trouvé transformé.

Arna MER-Khamis, la mère de Juliano, s’était grandement impliquée avec les Palestiniens durant la première Intifada. Elle était venue comprendre combien les enfants Palestiniens étaient traumatisés par l’occupation, et elle a lancé des projets qui avaient pour but de les guérir par l’art et en particulier, en faisant du théâtre.

Elle a mis en place un théâtre dans le camp de réfugiés de Jénine où ses liens avec plusieurs des enfants du même lieu étaient si forts qu’ils sont devenus connus sous le nom « d’enfants d’Arna ». Il y en avait 10 avec lesquels elle était particulièrement liée.

Des années après, Juliano est allé à Jénine rechercher « les 10 enfants d’Arna ». Tous étaient devenus des militants du Fatah et des héros locaux durant l’infâme siège israélien contre le camp. Six d’entre eux avaient été assassinés, deux capturés et les deux autres étaient recherchés par Israël. Le film qui en est sorti, Les enfants d’Arna, est un hommage profondément émouvant à sa mère et aux habitants du camp.

Arna est morte en 1994 et en 2006 Juliano a décidé de poursuivre son travail en construisant un théâtre avec Zakaria Zubeidi, un des « enfants d’Arna » et un ancien responsable des Brigades des Martyrs d’Al-Aqsa, branche armée du Fatah.

Juliano, ou Jul, comme il était nommé, est devenu très aimé des Palestiniens et son « Théâtre de la Liberté » est devenu un acte de résistance culturelle face aux efforts israéliens pour effacer l’identité palestinienne.

L’histoire de Vittorio

Loin de la Palestine et des luttes de la vie sous occupation, Vittorio a grandi près du magnifique Lac de Côme en Italie. Mais même dans ce lieu apparemment idyllique le jeune homme a été profondément influencé par ses antécédents familiaux : son grand-père et sa grand-mère appartenaient à la résistance contre le régime fasciste en Italie durant la deuxième guerre mondiale.

C’est quand il s’est rendu à Jérusalem que Vittorio a trouvé sa propre voie dans la lutte des Palestiniens.

Il a plus tard rejoint ISM, dont beaucoup de membres ont risqué leur vie en particulier durant la deuxième Intifada en jouant le rôle de boucliers humains pour les civils palestiniens.

En 2008, l’engagement de Vittorio l’a emmené vers Gaza à bord d’un des Bateaux Libres pour Gaza qui ont tenté de briser le siège israélien.

Une fois sur place, il s’est mis au service de la communauté palestinienne et il est devenu très vite populaire, en particulier parmi les enfants.

Il avait le mot arabe Moqawama [résistance] tatoué sur son bras, mais il est resté un ardent pacifiste.

Vittorio, ou Vik comme les gens de Gaza l’ont appelé, était connu pour partir en mer avec les pêcheurs palestiniens afin d’essayer de les protéger contre la marine israélienne.

Comme d’autres militants d’ISM, il a passé du temps dans les prisons israéliennes. Il a été blessé et par le passé expulsé vers l’Italie - mais il avait fini par trouver un nouveau chemin pour se rendre chez ceux qu’il aimait en Palestine.

Il écrivait pour le journal italien de gauche Il Manifesto et il alimentait un blog pour tenir une chronique de sa lutte et qu’il signait d’un « Restons humains ».

Vittorio était déterminé à préserver son humanité et l’humanité des autres, dans la tradition qui est celle d’un véritable humaniste, dépassant toutes les frontières religieuses, ethniques et raciales. Quand ses ravisseurs l’ont traité « d’infidèle », ils ont planté un poignard dans le coeur du peuple palestinien.

Pour « rester humain »

Juliano et Vittorio, deux hommes dont les coeurs étaient pleins d’amour pour les Palestiniens, ont dû être témoins de la haine lors des derniers instants de leurs vies. Juliano a fait face à ses tueurs masqués juste quelques secondes, alors que Vittorio a eu plus longtemps sous les yeux la cruauté et le fanatisme.

Je me demande ce qu’ils ont pu penser... Quel choc doit avoir saisi Juliano en ses derniers moments ? Qu’a ressenti le coeur généreux de Vittorio alors que ses tortionnaires le traitaient comme un « ennemi » ?

Beaucoup de larmes ont été versées et continueront à être versées sur ces deux hommes. Des poèmes ont été écrits et il est sûr que des chansons suivront.

Notre seule consolation est que Juliano et Vittorio faisaient partie d’une résistance palestinienne populaire et active qui continuera à se développer et à s’étendre. Leur cause demeure vivante.

Mais les Palestiniens doivent maintenant faire face à la réalité qui est que ces meurtres exposent un défaut dans leur société qui peut être réduit dans sa taille mais qui énorme et fortement destructif dans son impact.

Il ne suffira pas de capturer les auteurs de ces crimes. Le défi est plus grand et plus difficile à surmonter. Le défi est maintenant de s’assurer que la société palestinienne et ceux et celles qui la composent ne perdent pas leur humanité.

« Restons humain » était l’appel de Vittorio sur son blog. C’est maintenant la seule façon qu’il nous reste de les honorer, lui et Juliano.

* Lamis Andoni est analyste et commentatrice pour le Middle Eastern and Palestinian Affairs

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24 avril 2011 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/indept...
Traduction : Abd al-Rahim


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