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Oussama : la fin d’un alibi

lundi 2 mai 2011 - 13h:27

Marwan Bishara - Al Jazeera

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Washington se prive d’une raison ou justification de la guerre menée en Afghanistan.

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Photo : AFP

Le meurtre d’Oussama ben Laden est plus une victoire symbolique pour l’administration Obama qu’un changement stratégique du jeu américain dans le « Grand Moyen-Orient ».

Après 10 ans de poursuite du chef d’Al-Qaïda, présenté comme responsable des attentats du 11 Septembre 2001, les États-Unis ont fermé un chapitre, mais pas le livre, dans sa guerre contre al-Qaïda et le « terrorisme international ».

Depuis les attaques sur New York et Washington, « Al-Qaïda central » qui a été mis en place à la frontière pakistanaise en Afghanistan, a muté en un réseau mondial avec de multiples filiales.

Les « experts en terrorisme » des États-Unis [effectivement, les Etats-Unis disposent d’une grande expertise et d’une grande pratique en terrorisme - N.d.T] ont été divisés sur la pertinence de défendre l’existence d’un « al-Qaïda central » sous le commandement direct de Ben Laden et de ses lieutenants, face à un réseau mondial de cellules plus petites et de combattants très déterminés qui font allégeance à la direction, ou pour dire les choses crûment, à la marque : « al-Qaïda ».

Ceux qui limitent la pertinence de « l’approche d’un débranchement » des chefs d’Al-Qaïda à la frontière du Pakistan et de l’Afghanistan soulignent en contrepartie l’importance de la décentralisation du groupe.

Ils se réfèrent à al-Qaeda sous le vocable de SPIN (segmenté, polycentrique, idéologiquement en réseau), où les combattants d’Al-Qaïda dans diverses parties du monde agissent de plus en plus de leur propre initiative sans ordres directs ou soutien logistique et financier d’un quelconque « « al-Qaïda central ».

De ce point de vue, al-Qaïda est plus une création mondiale et post-moderne qu’un phénomène religieux.

Et maintenant

Bien qu’il ait continué d’invoquer l’Islam et le Djihad pour gagner des soutiens et inciter contre les non-musulmans, en réalité, son organisation et son influence, que ce soit par le Web ou par l’utilisation d’autres technologies modernes, ont été au c ?ur de sa stratégie pour la construction d’un réseau mondial .

Quoi qu’il en soit, la mort physique de Ben Laden va sans doute conduire à un sérieux revers psychologique pour les combattants d’Al-Qaïda et les causes qu’ils défendent.

Mais pour le monde musulman, Ben Laden n’a pas d’importance au vu du printemps [insurrection] arabe dont le développement souligne que le pouvoir du peuple se gagne à travers des moyens pacifiques.

Il convient également de rappeler que l’al-Qaïda de Ben Laden et de ses affiliés ont tué bien plus d’Arabes et de Musulmans que d’Occidentaux. Et c’est seulement après avoir échoué à obtenir un soutien réel dans le monde arabe qu’ils se sont repliés vers l’Afghanistan et ont commencé à cibler l’Occident.

Après de longs dévoiements des causes arabes et musulmanes à travers ses attaques sanglantes contre des cibles occidentales, al-Qaïda a été discréditée après le 9/11, et sa capacité organisationnelle en Occident a diminué du fait des mesures anti-terroristes.

L’al-Qaïda de Ben Laden a fourni à l’administration Bush le prétexte attendu pour lancer ses guerres désastreuses et coûteuses au Moyen-Orient.

Comme il était prévisible, les guerres de Washington en Irak, en Afghanistan et au Pakistan ont continué d’alimenter al-Qaïda en nouvelles recrues et en divers soutiens dans le monde musulman, et de perpétuer un cycle de violence qui a dévasté la région toute cette dernière décennie.

Toutefois, ce sont les efforts plus discrets et moins coûteux des États-Unis et des services de renseignement occidentaux qui auraient réussi dans une large mesure à réduire les activités d’Al-Qaïda, limitant les mouvements de ses dirigeants, et conduisant finalement conduit l’assassinat de Ben Laden.

Qu’est-ce que cela signifie pour la guerre américaine contre l’Afghanistan et contre le Pakistan ? En fait, Washington a moins de raison ou de justification pour une guerre en Afghanistan maintenant que Ben Laden a disparu.

Cela pourrait faciliter les choses pour certains dirigeants des Talibans - en pouvant mettre de côté l’épineuse question d’Al-Qaïda - de façon à conclure un accord qui assurerait un partage du pouvoir en faveur des Talibans, en échange de l’arrêt de l’utilisation de l’Afghanistan par Al-Qaïda comme base du « terrorisme ».

Ben Laden va continuer à être une alibi dans le court terme, surtout si certains des groupes d’al-Qaïda prennent l’initiative d’attaques de représailles.

Mais sur le long terme, ce sont en réalité les transformations politiques et historiques dans le monde arabe et musulman qui finiront par fermer le chapitre d’al-Qaïda.

Marwan Bishara est le principal analyste politique sur le Moyen-Orient pour Al-Jazeera ; écrivain et journaliste palestinien, il est également chercheur à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS, Paris) et enseignant à l’université américaine de Paris. Il a écrit : Palestine/Israël : la paix ou l’apartheid ? paru aux Editions La Découverte.

Du même auteur :

- La plus ancienne dictature du Moyen-Orient - 30 avril 2011
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- Quelle prochaine étape pour le processus de paix ? - 9 décembre 2010
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2 mai 2011 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/indept...
Traduction : Info-Palestine.net


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