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La leçon d’humanité de Vittorio

mercredi 20 avril 2011 - 17h:50

Ramzy Baroud

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« Chère Mary », écrivait le militant italien Vittorio Arrigoni à une amie. « Savez-vous qui sera sur les bateaux ? ... Je suis toujours dans la bande de Gaza, et je vous y attends. Je serai sur un bateau pour vous accueillir. Restons humains. Vik. »

« Mary » est Mary Hughes Thompson, une militante très engagée qui a bravé la haute mer pour briser le siège israélien sur Gaza en 2008.

Vittorio Arrigoni, ou Vik, aurait été assassiné par un groupe fondamentaliste dans la bande de Gaza, quelques heures après qu’il ait été enlevé le jeudi 14 avril. Le meurtre aurait été commis en représailles à la répression exercée par le Hamas sur les membres de ce groupe.

Tous ceux qui connaissaient Vik peuvent témoigner du fait qu’il était un homme extraordinaire, un modèle de compassion, de solidarité et d’humanité.

Le corps de Vittorio a été découvert dans une maison abandonnée quelques heures après son enlèvement. Ses assassins n’ont pas respecté leur propre échéance de 30 heures. Le groupe, connu sous le nom de Tawhid et Jihad, est l’un de ces groupes marginaux connus dans la bande de Gaza sous le nom de salafistes. Ils refont surface sous des noms et habillages différents, pour des objectifs précis - et souvent sanglants.

« Le meurtre a plongé dans le chagrin, mais aussi dans le désespoir la bande de Gaza » titre un éditorial de l’Independent au Royaume-Uni le 16 avril. « Non seulement Arrigoni était bien connu et bien aimé, mais il n’a échappé à personne que cet enlèvement était le premier depuis celui du journaliste de la BBC Alan Johnson en 2007. »

Mais les ravisseurs de Johnson, la soi-disant Armée de l’Islam (un petit groupe de fanatiques affilié à un grand clan de Gaza) ont retenu leur otage pendant 114 jours. Il y avait beaucoup de temps pour organiser et faire pression sur les criminels pour qu’ils le libèrent. Dans le cas de Vittorio, seules quelques heures séparaient le moment de la diffusion d’une horrible vidéo - montrant le militant meurtri et les yeux bandés - et la découverte de son corps sans vie.

Le rapport médico-légal a conclu qu’il avait été étranglé. Ses amis disent qu’il a été aussi torturé.

L’assassinat de Vittorio Arrigoni a été une opportunité pour les partisans d’Israël. Le plus connu d’entre eux est Daniel Pipes. Il a écrit, dans une brève introduction dans le National Review Online : « Notez la particularité des Palestiniens qui assassinent les groupies et les apologistes qui se joignent à eux pour les aider dans leur rêve d’éliminer Israël. » Nommant trois personnes, dont le cinéaste israélo-palestinien Juliano Mer-Khamis et Vittorio Arrigoni lui-même, Pipes a ensuite invité les lecteurs à « communiquer d’autres exemples peut-être oubliés ».

La liste de Pipes, cependant, n’aura pas de place pour des noms comme ceux de Rachel Corrie, Tom Hurndall et James Miller... pour toutes ces personnes assassinées par les forces israéliennes. Pipes évitera également de mentionner les neuf militants turcs assassinés à bord du navire Mavi Marmara, parti briser le siège de Gaza en mai 2010, ni les neuf militants à bord de l’Irene (le bateau de la communauté juive vers Gaza) qui ont été interceptés, enlevés et humiliés par les troupes israéliennes avant d’être déportés hors du pays en Septembre 2010.

Reuben Moscowitz, âgé de 82 ans et un survivant de l’Holocauste, était l’un des militants à bord de l’Irene ainsi que Lillian Rosengarten, une Américaine « qui avait fui les nazis alors qu’elle était enfant à Francfort », selon un blog du New York Times.

Les personnes que Pipes évite de mentionner représentent réellement un arc en ciel pour l’humanité. Ces hommes et ces femmes de tous âges, origines et nationalités ont soutenu et continueront à se tenir du côté des Palestiniens.

Mais cette histoire est ignorée des pseudo-intellectuels si sélectifs, dont l’intention est d’empêcher l’humanité de demander des comptes à Israël. Ils refusent de voir la réalité en face d’eux, car ils sont trop préoccupés d’en concocter une à leur convenance.

Ecrivant dans le Guardian depuis Rome, le 15 avril, John Hooper a déclaré : « la vie d’Arrigoni a été tout sauf sûre. En septembre 2008, il a été blessé (par les troupes israéliennes) alors qu’il accompagnait des pêcheurs palestiniens en mer. Il y a deux ans, il a reçu des menaces de mort à partir d’un site américain d’extrême-droite qui fournissait des informations à des tueurs potentiels avec une photo et des détails permettant de distinguer des traits physiques, comme un tatouage sur son épaule ».

Le groupe qui a assassiné Vittorio, comme d’autres du même genre, s’est constitué pour un acte précis, violent, avant de disparaître. La mission dans ce cas était de tuer un militant du Mouvement de Solidarité Internationale qui a consacré des années de sa vie à la Palestine. Peu de temps avant son enlèvement, il a écrit sur ​​son site à propos du « criminel » siège israélien sur Gaza. Il a également déploré la mort de quatre Palestiniens vivant dans la misère et qui sont morts dans un tunnel sous la frontière entre Gaza et l’Egypte tout en amenant de la nourriture et d’autres biens.

Avant d’être assassiné, Vittorio Arrigoni attendait l’arrivée d’une autre flottille - le projet de militants venus de 25 pays et embarquant sur 15 navires - dont le départ pour Gaza est prévu en mai. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a fermement ordonné aux pays de l’Union Européenne d’empêcher leurs ressortissants de se joindre aux bateaux. « Je pense qu’il est dans votre et notre intérêt ... que cette flottille soit arrêtée », a-t-il déclaré aux représentants européens à Jérusalem, selon une dépêche de l’AFP datée du 11 avril.

Les responsables israéliens sont en colère contre les internationaux qui « délégitiment » l’Etat d’Israël en étant solidaires des Palestiniens. Vittorio Arrigoni a tant fait pour nuire à l’image soigneusement fabriquée d’Israël se présentant comme un îlot de démocratie et de progrès... Avec d’autres militants, il a brisé ce mythe en usant de simples moyens de communication.

Vik signait ses messages d’un « Restons humains ». Son livre, décrivant en détail ses expériences dans la bande de Gaza, était titré Restiamo Umani (Restons humains). Mary Hughes Thompson a partagé avec moi quelques courriers électroniques que Vittorio lui avait envoyés. « Je peux à peine supporter de les relire », écrit-elle. Voici un extrait de l’un d’eux :

« Peu importe comment nous terminerons la mission ... Ce sera une victoire. Pour les droits de l’Homme, pour la liberté. Si le siège ne ​​peut être physiquement brisé, cela brisera le siège de l’indifférence, de l’abandon. Et vous savez très bien que ce geste est important pour la population de Gaza. Cela dit, bien sûr que nous vous attendrons au port ! Avec des centaines de Palestiniens et des camarades d’ISM nous viendrons par voile à votre rencontre, comme cela a été le cas la première fois, rappelez-vous ? Tous les bateaux disponibles navigueront depuis Gaza pour vous saluer. Désolé pour mon anglais ... une grosse difficulté ... Restons humains. Votre, Vik. »

Les assassins de Vik n’ont eu que faire de son humanité. Mais beaucoup d’entre nous se souviendrons toujours de lui, et nous allons continuer à tenter de « rester humains ».

Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com.

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20 avril 2011 - Communiqué par l’auteur
Traduction : Claude Zurbach


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